C’est l’histoire d’un bronze magistral, dont on avait perdu la trace depuis ses premières présentations dans la Galerie d’Eugène Blot en 1907 et 1908, l’œuvre la plus mythique et mystifiée de la célèbre sculptrice Camille Claudel : L’Âge Mûr intitulée aussi, La Destinée, Le Chemin de la vie, La Fatalité.
C’est l’histoire de Matthieu Semont, commissaire-priseur à Orléans (Maison Philocale) et amoureux des arts, qui découvre, en septembre dernier ladite sculpture, cachée sous un drap, dans un couloir dans le noir, lors d’un inventaire réalisé dans un appartement, inhabité depuis plus de 15 ans, situé au pied de la Tour Eiffel.
« Lorsque j’ai découvert la sculpture, il y a eu un instant d’incrédulité puis j’ai été submergé par l’émotion, nous confie Matthieu. Avoir une telle beauté sous les yeux semblait impossible. Et l’œuvre m’a parlé immédiatement. J’ai eu conscience du chemin de l’humanité qui m’était dévoilé, de son aspect inéluctable. Et cette signature de Camille Claudel… Foudroyant ! ».
Foudroyé, le commissaire-priseur l’est assurément. La destinée s’en mêle : lorsqu’il avait 24 ans, il avait déjà rencontré Camille Claudel lors d’une vente aux enchères de l’Implorante, figure majeure et connue de l’artiste.
Tout est sublime dans ce bronze
Un trouble pour l’âme. Une beauté caressante que l’on a envie d’envelopper de ses mains, de bercer dans ses bras… Conçu par l’artiste au moment de sa rupture avec Rodin entre 1892 et 1898, et qui marque un tournant dans sa carrière, le zénith de son art, la sculpture subitement retrouvée questionne chaque personne qui la regarde, émeut, interpelle... Elle évoque la destinée humaine, les trois âges de la vie, la Jeunesse, l’Âge mûr et la Vieillesse, réunis en une même composition dans une tension émotionnelle à son acmé.
« C’est une composition particulièrement dynamique, d’une grande sensualité et paradoxale à la fois, souligne son découvreur. La vieillesse est d’une grande tendresse alors que la maturité, souvent représentée de manière plus triomphante dans l’art, est ici un homme résigné qui essaie de ralentir le temps et à qui, dans un même mouvement, la jeunesse lâche la main. »
Tout est sublime dans ce bronze, virtuose : sa ciselure, sa patine, l’histoire qu’il raconte. « Il prend de la place. Quand on le regarde, on est obligé de s’arrêter, on est comme happés. »
L’apparition sur le marché de l’exemplaire n°1 de La Jeunesse et L’Âge mûr est un véritable évènement. On n’avait aucune idée du lieu où il pouvait se trouver jusqu’ici. Seuls trois autres bronzes représentant L’Âge mûr sont identifiés : ils figurent dans les collections du musée d’Orsay du musée Rodin et du musée Camille Claudel à Nogent-sur-Seine. L’histoire de ce groupe de statuaire était déjà mythique chez les amateurs d’art au 19e siècle… Les numéros 2, 4, 5 et 6 sont toujours « portés disparus ». De cette édition, seul le numéro « 3 » est aujourd’hui localisé, acquis par le musée de Nogent-sur-Seine en 2010.
Vendu aux enchères, le 16 février
C’est donc un conte de fée qui a fait le tour du monde et dont le dénouement aura lieu à Orléans dimanche prochain. Le bronze sera alors vendu aux enchères, le 16 février à 16h, dans l’écrin de la Salle de l’Institut, et sera le dernier lot d’une vente qui ne compte que 14 lots très sélectionnés. Son estimation est comprise entre 1,5 et 2 millions d’euros. « C’est une œuvre singulière car extrêmement travaillée et valorisée en ce moment, termine Matthieu. Camille Claudel est très cotée. Ses œuvres les plus mémorables se vendent aux alentours d’1 400 000 euros, le record du monde est 5 millions. Nous avons estimé une fourchette haute pour cette sculpture. Il n’y a plus qu’à croiser les doigts… » Le destin est en marche, Camille Claudel a parlé à Orléans.
Expositions publiques à Orléans :
Samedi 15 février (11h - 19h) Hôtel Groslot, 2 Place de l’Etape à Orléans (sur réservation)
Dimanche 16 février (10h – 13h) Hôtel Groslot (sur réservation)