Discount, Carole Matthieu, Les Invisibles, aujourd’hui La Brigade. La comédie sociale est un genre qui vous tient à cœur ?
Louis-Julien Petit (réalisateur) : Dans la comédie sociale, on parle de personnages qui n’ont plus rien et qui ont tout à gagner. J’aime bien cela. On est avec des combattants modernes, des gens qui sont comme nous et à qui on s’identifie. A travers leurs combats ordinaires, des sujets qui sont parfois durs. Et la comédie sociale permet cela. Cela crée un lien entre un sujet qu’on ne veut pas trop voir, qu’on met un peu sous la table et le spectateur.
Comment est née l’envie de traiter un tel sujet sur les mineurs non accompagnés ?
Louis-Julien Petit (réalisateur) : Après les Invisibles, j’étais soucieux d’intégration, d’insertion. Je trouvais cela intéressant comme sujet. Ma co-scénariste en a parlé avec ma productrice et m’a conseillé d’aller dans le sud-ouest à la rencontre d’une cuisinière Catherine Grosjean qui donne des cours à de jeunes migrants, des mineurs et leur transmet sa passion de la cuisine. 100% de ces jeunes réussissent à être diplômés et à s’intégrer dans la société française et dans nos cuisines. Je suis allé là-bas et j’ai été touché par cette histoire, par ces jeunes qui arrivent et ont envie d’apprendre. Ensuite je me suis dit que pour créer ce lien, il fallait que l’humour soit là, et travailler sur un personnage haut en couleurs. Ainsi est née notre Cathy-Marie interprétée par Audrey Lamy.
Comment avez-vous réussi à associer aussi justement et finement des comédiens de haut-vol comme François Cluzet et Audrey Lamy à ces jeunes débutants ?
Louis-Julien Petit (réalisateur) : Dans mes films, tout le monde est au même niveau, il n’y a pas de hiérarchie. C’est l’humain qui prime, on est regardé en face, dans les yeux. C’est ce que je propose au spectateur. D’être au même niveau, au même tempo que Cathy-Marie et à apprendre en même temps qu’elle, découvrir les jeunes et les problématiques migratoires et peut-être ses solutions en même temps qu’elle. C’est un personnage assez autocentré au départ, frustré car empêché de réaliser son rêve dans des grandes cuisines, un peu dur. Au contact de ces jeunes, elle va s’ouvrir et surtout réaliser son rêve, autrement, pas comme elle l’avait prévu. Quand on part de l’individu et que l’on va vers le collectif, d’un seul coup des possibilités peuvent germer, jaillir. La réussite crée de l’espoir. On a ce jeune acteur démentiel, Yannick Kalombo, qui en est le meilleur exemple.
Oui vous nous avez fait la surprise de venir avec Yannick Kalombo, Gus-Gus dans le film, qui crève littéralement l’écran.
Louis-Julien Petit : Les gens l’adorent. C’est la mascotte du film.
Comment avez-vous rencontré ces jeunes formidables que l’on découvre dans le film ?
Louis-Julien Petit : 300 jeunes ont parlé face caméra dans diverses associations à Paris. On en a parlé aux éducateurs, aux CPE, dans des collèges, dans des lycées, des associations… Cela a été un grand casting qui a duré 6-8 mois. J’ai vu 300 heures de rush. Je cherchais des personnalités, des caractères pour qu’ils puissent trouver leur place dans le film, je ne cherchais pas le parcours le plus miséreux. J’en ai rencontré 100, on a fait des ateliers de théâtre pendant 4 mois. Sur ces 100, j’en ai sélectionné 50. La particularité du film c’est que le premier plan que vous voyez à l’écran avec Cathy-Marie, c’est vraiment leur tout premier jour de tournage. Et le dernier plan, c’est leur dernier jour de tournage. On a assisté nous équipe du film comme spectateur à leur éclosion, à leur éveil. La timidité du premier plan de Yannick n’a rien à voir avec son envol lors de son dernier jour de tournage (rire)
Yannick Kalombo (Gus-Gus dans le film) : C’est incroyable, c’est impressionnant. Je ne m’attendais pas du tout de me voir sur un grand écran au cinéma. Même quand on tournait, je n’y croyais pas.
Louis-Julien Petit : toi comme les autres vous en vous fichiez de la caméra. Ils ont une forme de candeur mais qui attention qui n’est pas de la naïveté. Ils savent très bien pourquoi ils sont venus en France, pour apprendre, pour rentrer dans le système éducatif. C’est aussi cela le sujet du film, l’éducation est une solution. Quand on a Cathy-Marie qui fait un métier de passion, elle a des velléités de pédagogue, elle arrive et elle a un lien avec ces gamins. Nous assistons à ce processus. Ils sont presque désabusés par la vie au départ. Lorsque l’on arrive en France, on se prend un mur quand même. Il y a une urgence, une épée de Damoclès, il faut prouver quelque chose, une formation, un projet, un travail. Ils arrivent mineurs et ont vécu des choses très dures pour arriver là.
Yannick est le plus jeune donc son parcours est particulier. Mais les autres, ceux qui ont tourné dans le film sont arrivés à 12 ans, 13 ans, 14 ans, plein d’espoir, plein de vie. Demba, le grand garçon au t-shirt jaune, a été formé par la vraie Catherine Grosjean et aujourd’hui il est chef de partie chez Dalloyau. Ça veut tout dire.