Sorties - Loisirs
le 25/11/2024
Rencontre avec le réalisateur du film En fanfare
Beau moment d’émotion pour Emmanuel Courcol, réalisateur du film En fanfare - petit bijou avec Benjamin Laverhne et Pierre Lottin - venu présenter son film aux cinémas Les Carmes et Pathé Orléans, en novembre. Accueilli par une fanfare, il n’a pas caché son émotion. Rencontre avec un grand monsieur du cinéma.
C’est émouvant d’être accueilli à Orléans par une fanfare.
Emmanuel Courcol (réalisateur) : Oui c’est fort en émotion. Je reviens du festival d’Arras que l’on a ouvert également en fanfare. Tout est parti de notre rencontre avec les fédérations de fanfare et de musique amateur au Ministère de la culture. Elles ont été bouleversées et très touchées par le film. En lien avec le distributeur du film, elles ont infusé les choses auprès des cinémas et des fanfares des différentes villes de France. Et c’est devenu viral. C’est partout. Il était prévu de faire 200 avant-premières en présence de fanfares et d’harmonies. Et ce sera beaucoup plus car nous sommes inondés de demandes. Il se passe quelque chose tout à coup entre le cinéma et la musique. Cela crée un engouement, un moment festif. Quand nous nous sommes rendus dans le Nord pour la première projection du film, nous étions dans le bus avec l’Harmonie municipale des mineurs de Lallaing, la fanfare du film qui a ouvert la séance en jouant de la musique. L’ambiance était incroyable, l’atmosphère très joyeuse.
Comment est né ce film qui narre la rencontre entre la grande musique et le monde des fanfares ?
A l’origine, il y a une douzaine d’années, j’avais été consulté en tant que scénariste sur un projet qui finalement ne s’est pas fait. C’était une histoire de majorettes avec une fanfare. Cela m’avait donné l’idée de confronter ce milieu de pratique amateur populaire avec la grande musique, l’univers plus élitiste des chefs d’orchestre. Je connais assez bien ce milieu, j’ai des liens avec l’Orchestre de Musique de Chambre de Paris. C’est cette confrontation des milieux et des cultures qui m’intéressait. C’est déjà une thématique que j’avais abordé dans mon film précédent, un Triomphe, où des détenus rencontraient Beckett. J’étais déjà dans cet esprit-là.
J’ai poussé mes réflexions avec l’histoire de deux frères, totalement opposés. D’où vient cet intérêt ? En fait, c’est simple. J’ai passé toute mon adolescence, à Angers, à écouter mon frère qui faisait de la trompette dans la chambre d’à côté. J’ai encore toutes ses gammes dans l’oreille. Cela faisait partie du paysage. Il y avait les cuivres et les frères. Tout découle de là.
C’est le film d’un mélomane.
J’aime la musique, j’écoute beaucoup de musique. On entend les grands morceaux que j’aime dans le film : Mozart, Ravel… J’ai travaillé avec Michel Petrossian qui a signé la musique du film et composé la grande pièce de la fin. Il y a aussi le chef d’orchestre Léo Margue [Orléanais et ancien chef de l’Orchestre Démos Orléans Val de Loire NDLR] qui travaille avec Michel et a dirigé la version que l’on entend dans le film, Quadrature. Léo a également conseillé un jeune chef, coach de Benjamin. Scoring Orchestra qui nous accompagne et fait des BO avait aussi son chef d’orchestre. J’étais entouré de chefs !
Avec Benjamin Lavernhe, nous avons déjeuné avec des grands chefs pour comprendre leur vie, leur psychologie. Benjamin a travaillé trois mois sur la direction d’orchestre avec son coach Antoine Dutaillis, jeune chef très brillant qui a continué à le suivre pendant tout le tournage. Il a étudié la gestique, de manière chorégraphique, à tel point qu’il dirigeait vraiment les musiciens. Comme Pierre Lottin, c’est un musicien autodidacte, instinctif, qui ne lit pas les partitions mais a une oreille incroyable. Ils ont ça dans le sang. Pour le Concerto n° 23 de Mozart, Benjamin l’a joué avec le playback enregistré par Antoine mais ce sont ses mains que l’on voit à l’écran et c’est la prise directe. Il l’a vraiment interprété. Impossible de faire la différence entre ses mains et le morceau. C’était parfaitement synchro.
C’était primordial pour moi que cela soit crédible aux yeux des professionnels et que cela ne casse pas la magie pour les spectateurs. Pierre aussi est musicien, il joue du piano, il compose. Il s’est mis au trombone pour le film. En deux ou trois mois, il a su produire un son suffisant pour jouer avec l’harmonie. C’était bluffant !
Comment avez-vous procédé au casting ?
Avec ma co-scénariste, nous avons pensé à Pierre Lottin dès l’écriture. Je connais sa pudeur, sa personnalité, sa façon de bouger. Benjamin, c’est venu plus tard, je savais qu’il était musicien, je l’avais vu dans un cabaret musical à la Comédie-Française.
Ce qui était clair c’est que je voulais absolument qu’on y croit. C’était la condition sine qua non. Même chose pour les seconds rôles qui interprètent des musiciens de la fanfare. J’ai fait un casting d’acteurs qui soient en même temps des musiciens. Jacques Bonnafé, par exemple, joue avec sa propre trompette. J’ai un cinéma réaliste, naturaliste. J’aime quand la vie rencontre l’histoire, le cinéma.
C’est une aventure musicale. Ils jouent sans faire semblant avec la vraie harmonie que j’ai rencontré dans le film. Il s’est passé quelque chose entre les amateurs et les comédiens, comme s’ils avaient toujours joué ensemble.
La petite histoire rencontre la grande histoire. Le film a pour toile de fond le Nord de la France, les conflits sociaux…
Quand nous avons commencé à écrire, on s’est dit que c’était impossible de ne pas parler des conflits sociaux, des usines. Cela fait tellement partie du paysage. Je voulais que cela soit intégré à l’histoire... et en même temps que ce n’en soit pas le centre. Il était important pour moi de rendre justice à la région et aux gens de là-bas.
Nous avons tourné à Lallaing, près de Douai, la commune de l’harmonie que l’on rencontre dans le film. La séquence où l’on voit Benjamin arriver en pleine répétition, et bien nous avons eu le même accueil chaleureux dans la vraie vie. On a bu de la bière tous ensemble immédiatement ! J’ai visité beaucoup d’usines. Le choix s’est porté sur une usine de meubles en liquidation. Nous avons reçu la visite des délégués syndicaux qui ont été touchés par notre film. Pendant le tournage, les piquets de grève étaient tellement réalistes que les voitures klaxonnaient en guide de soutien !
On fait souvent un parallèle entre mon travail et le cinéma de Ken Loach, cela me va tout à fait. C’est la raison pour laquelle je suis allé dans le département du Nord, il y a cette parenté avec les paysages, les gens, l’esprit.
Comment avez-vous travaillé avec les comédiens pour atteindre ce niveau de justesse ?
Je ne fais jamais de répétition mais je parle beaucoup avec eux, avant le film, pendant. Moi je suis acteur à l’origine, je suis nourri de ça. Avec eux, je suis un peu un confrère. Je les comprends. J’ai la même sensibilité à la vérité du dialogue. Je laisse toujours une part de liberté aux acteurs dans le script. C’est un cinéma de subtilité. J’ai envie de m’effacer même si c’est compliqué d’avoir la juste mesure car je dois rester maître du film. Mais j’ai envie que cela soit spontané, naturel, surprenant, que cela ne soit jamais attendu et tellement vrai.
L’adoption, les secrets de famille, la maladie… Il y a beaucoup de sujets en creux dans le film.
Le film traverse beaucoup de sujets en effet. Nous avons des échanges très longs avec le public. Beaucoup de gens me parlent de la maladie. A l’issue des projections, la salle entière reste, c’est la première fois que cela m’arrive. Les gens sont touchés par le film, de façon très intime, personnelle. Les spectateurs nous confient des pans de leurs vies. Benjamin a reçu message : « Votre film m’a bouleversé, le 26 je fais un don de moelle pour mon frère ». Les témoignages sont si nombreux. C’est à l’image de la vie en fait.
En fanfare
Sortie nationale le mercredi 27 novembre 2024 en salle | 1h 44min | Comédie, Comédie dramatique, Drame
Par Emmanuel Courcol, Irène Muscari
Avec Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco
Synopsis :
Thibaut est un chef d’orchestre de renommée internationale qui parcourt le monde. Lorsqu’il apprend qu’il a été adopté, il découvre l’existence d’un frère, Jimmy, employé de cantine scolaire et qui joue du trombone dans une fanfare du nord de la France. En apparence tout les sépare, sauf l’amour de la musique. Détectant les capacités musicales exceptionnelles de son frère, Thibaut se donne pour mission de réparer l’injustice du destin. Jimmy se prend alors à rêver d’une autre vie…
L’avis de la rédaction :
Une partition d’une justesse incroyable avec un Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin - le yin et le yang - au sommet, qui jouent sur la corde sensible tout au long du film. Enthousiaste, enjouée, généreuse, l’histoire nous emporte dès le début et nous berce d’émotions et de notes de musique qui font un bien fou. C’est le genre de film qui donne l’envie d’aimer, de dire surtout à nos proches qu’on les aime. Une fanfare plein de grâce !
E.Cuchet