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      Sorties - Loisirs

      le 15/04/2025

      Le réalisateur Régis Wargnier à Orléans

      Réalisateur de l’immense Indochine, récompensé de l’Oscar du meilleur film étranger en 1993, Régis Wargnier livre une œuvre fleuve, troublante, intense. De retour avec un nouveau long-métrage « La Réparation », inattendu et surprenant, nous avons eu la chance de le rencontrer au cinéma Pathé Orléans.

      Crédit : Nour films

      La Réparation : Clovis Cornillac, Julia de Nunez

      Vous n’aviez pas réalisé de films depuis pratiquement dix ans.

      Régis Wargnier : Je crois que je n’en avais pas assez envie. Je n’avais pas quitté le métier, je continuais à le faire, mais différemment. Quand on est dans le cinéma, on n'en sort pas de toute façon. Enfin, très rarement. C’est Fellini qui disait : « Le cinéma est dans ma vie et ma vie est dans le cinéma. » 

      François Hollande m’avait nommé au Conseil économique social et environnemental (CESE). J’ai exercé mon mandat sérieusement, de 2015 à 2021, cela a été un parcours intéressant. J’ai écrit des romans aussi. J’ai enseigné. Et puis un jour, l’envie de cinéma est revenue. D’abord, je continuais à aller voir beaucoup de films en salle, de façon à ne jamais perdre ce goût de la création. Et puis, des personnes que je connaissais ont été confrontées à une disparition. J’ai été très intrigué par ce qui s’est passé, la réaction des gens, entre ceux qui espéraient et luttaient pour savoir la vérité, et ceux qui voulaient recommencer à vivre, essayant de ne pas y penser, car il n’y avait aucun indice. J’ai eu envie d’écrire sur le sujet. Et j’ai repensé au personnage d’un chef gastronomique et de sa fille que j’avais imaginés pour une précédente histoire restée dans mes tiroirs. J’ai eu l’idée de mêler une histoire de disparition à l’univers de la gastronomie, et aux voyages aussi, les chefs cuisiniers voyageant au bout du monde. J’ai tout brassé. L’écriture a alors comme coulé de source. 

      On retrouve l’Asie en toile de fond, tel un territoire rêvé, comme dans votre long-métrage culte Indochine

      Régis Wargnier : Comme je travaillais sur la gastronomie, je cherchais une terre de grande cuisine mais aussi une terre de cinéma avec des techniciens sachant faire des films. Je voulais travailler avec des équipes asiatiques, pas françaises, car je ne veux pas avoir un regard de touriste dans mes films. Jamais. J’ai fait des repérages en Chine mais j’ai vu que ce serait trop compliqué avec les autorités, la censure… J’ai ensuite hésité entre la Corée du Sud et Taïwan. La cuisine taïwanaise est plus raffinée, elle rassemble toutes les cuisines de Chine aussi. Et ce qui m’a décidé, c’est la rencontre avec un producteur qui avait des possibilités de coproduction à Taïwan. Je suis parti seul là-bas, chercher un chef, une cuisine… J’ai trouvé des équipes techniques et des acteurs. Je ne délègue jamais, j’aime faire un film de A à Z. C’est passionnant. C’est comme cela qu’on rentre dans le film, dans les paysages, dans l’histoire. J’ai dû faire trois voyages de préparation en tout. J’ai déniché cet incroyable monastère tout en haut d’une forêt, au bout du monde. 

      Comment avez-vous choisi vos acteurs ? 

      Régis Wargnier : Le directeur de casting m'a présenté Julia de Nunez, que j'avais vue dans la série Bardot. Le contact a été immédiatement très facile, agréable. Nous n’avons pas tellement parlé du film lors de notre rencontre, nous avons fait connaissance. J’avais vu qu'elle était capable de jouer des choses fortes, j'en avais parlé avec Danièle Thompson, la réalisatrice et auteure de la série. Dès le lendemain, j’ai dit à Julia : Écoute, c'est toi. Après on a travaillé, elle a pris un coach, on a fait des lectures… Elle s'est laissée embarquer. Ensuite, je connais Clovis Cornillac depuis longtemps. On s'entend bien. J’ai pensé qu’il me fallait un acteur capable d’avoir une telle présence qu’on ne peut l’oublier, même quand il est absent à l’écran. La gageure du film ! Et la scène où il est en colère au début du film est absolument incroyable. Julien de Saint-Jean est incroyable aussi, il a joué dans Le Comte de Monte Cristo. Au départ, je cherchais un comédien plus âgé, donc j’ai rajeuni le personnage pour lui. Et j’ai eu un énorme coup de cœur pour JC Lin, que j’ai découvert à Taïwan. Il joue le rôle du jeune chef, c’est quelqu’un d’intense et de mystérieux. 

      Combien de mois de tournage ont été nécessaires entre la France à l'Asie ?

      Régis Wargnier : C'est surtout beaucoup de préparation car on avait un budget assez serré. Contrairement à d'autres metteurs en scène, j’enlève dans le scénario tout ce qui n'est pas nécessaire. Je ne tourne que des scènes dont je suis à peu près sûr qu'elles seront dans le film. C’est pour cela que je coupe rarement une scène aucune scène, ce que je fais à la rigueur c’est que je la resserre. Toute la matière est dans le film.

      Nous avons tourné dix jours en Bretagne et j'ai demandé une journée supplémentaire, au printemps, pour les plans de fin parce que je ne voulais pas que le film se termine dans la grisaille mais au contraire dans la lumière. Puis, nous avons eu 21 jours de tournage à Taïwan. On a rajouté un jour à cause de la pluie. Mais à Taïwan, les conditions de travail ne sont pas les mêmes, on tourne six jours sur sept, à raison de 11h par jour. Le rythme est différent, avec une énergie constante. 

      C’est un film intriguant où l’on ne sait pas, au départ, où l’histoire va nous mener. On sent dans votre cinéma cette envie de faire lâcher prise au spectateur. 

      Régis Wargnier : Vous savez, pour moi aller au cinéma, c’est être dans un état de disponibilité, presque de béatitude. Plus rien ne compte autour de vous, plus de téléphone, de rendez-vous à honorer, de course contre la montre… On a les yeux ouverts, mais on est comme dans un rêve éveillé. Des images s'impriment sur notre rétine, arrivent dans notre cerveau… Tout à coup, un film peut nous bouleverser totalement. On a la possibilité de s’identifier à un personnage. C’est de l’ordre de l’intime. Le cinéma est fait pour ça. 

      Vous retrouvez le public, vous faites des avant-premières, il y a une émotion de revoir les spectateurs ? 

      J’aime être au contact des gens. C'est pour le public que l’on fait des films, par pour soi. C’est comme cela que je le conçois en tout cas. Les spectateurs posent beaucoup de questions à la fin du film, sont heureux de rencontrer le réalisateur qui peut leur expliquer des petits détails. Cela permet de voir l’histoire différemment aussi, sous un jour nouveau. L’exercice des avant-premières me plaît beaucoup. Je vais en faire un peu partout en France. Ça me nourrit et m’inspire, aussi, de visiter une ville quasiment par jour. 

      C’est touchant que l’on vous parle quasiment quotidiennement de vos chefs d’œuvre comme Indochine, Une Femme Française ou Est-Ouest, des décennies après.

      Oui chaque film a une histoire, parle différemment aux gens. J’ai eu cette chance de découvrir de nombreux jeunes comédiens. Comme Linh-Dan Pham qui incarnait l’amoureuse de Vincent Pérez dans Indochine. Je lui ai changé sa vie, elle avait tout juste 16 ans et demi. Il y a Elsa aussi qui, à l’âge de 13 ans, a joué dans mon tout premier film, La femme de ma vie, en 1986. Elle a chanté T’en va pas, qui fait partie de la bande originale du film. A la base, la chanson devait être chantée par Jane Birkin qui l’a refusée. Cela a été un succès phénoménal. La chanson a été composée par Romano Musumarra - également le compositeur de La Réparation - avec des paroles de Catherine Cohen et moi. Elsa a été alors la plus jeune artiste à avoir atteint la première place du top 50.

      Une belle musique, une belle image, cela résume bien votre trajectoire… 

      J’aime qu’un film soit enveloppé par une belle musique, de beaux paysages. J’aime quand c’est beau. Jamais je ne renierai cela. Oui j’aime la beauté !

      Propos recueillis par Emilie Cuchet

      La Réparation

      Un long-métrage de Régis Wargnier 

      Sortie en France le 16 avril 2025

      Durée 1h44

      Avec Julia de Nunez, Clovis Cornillac, Julien de Saint-Jean, JC Lin

      Le pitch : 

      Quelques heures avant l'attribution de sa 3ème étoile, le célèbre chef Paskal Jankovski disparait avec son second lors d'une partie de chasse. A 20 ans, sa fille Clara se retrouve seule aux commandes du restaurant. Deux ans plus tard, elle reçoit une mystérieuse invitation pour Taïwan...

      Notre avis : Un film d’une beauté stupéfiante qui fait battre le cœur, avec des paysages qui viennent imprimer la rétine pour longtemps et des personnages hantés par les vivants, les morts et les rêves égarés. Orfèvre d’un cinéma qui fait du bien, Régis Wargnier dirige son équipe d’acteurs, tel un chef d’orchestre, avec sensibilité et musicalité. Les fils de la mémoire, de la filiation, de la reconstruction et des relations humaines s’entremêlent dans un récit qui jamais ne s’essouffle et surprend jusqu’au bout. La recette idéale pour un menu intense !