Une belle histoire. Celle de la rencontre entre un manuscrit ancien écrit de la main même de Charles Péguy et une jeune femme bien dans son temps et ses baskets, exerçant un métier passionnant et rare, la reliure d’art. Après avoir remporté le Prix de la Reliure de la ville d'Orléans 2024, Allison Blanc-Aubert, qui s’est vu remettre les précieux feuillets au mois de mai, s’est fait fourmi - et non cigale - cet été, travaillant inlassablement sur la reliure d’art qui lui a valu la reconnaissance de ses pairs.
C’est avec un plaisir non dissimulé qu’elle a présenté le bel objet au Centre Charles-Péguy, en ce vendredi 13 septembre - point de malheur que du bonheur à l’horizon - en présence notamment du jury et d’Evrard Lablée, conseiller municipal à la valorisation du patrimoine local matériel et immatériel. « Nous avons eu beaucoup de joie à organiser ce prix de la Reliure et à voir le résultat aujourd’hui, sourit Ariane Bouchard, responsable des collections patrimoniales. Il y a toujours le cœur qui fait un bond dans ce genre de moment.
« C’est de l’art, c’est une œuvre à part entière ! » Des grands sourires, des regards émerveillés, chacun y est allé de son compliment concernant la réalisation de la jeune femme. « J’ai conçu une reliure à décors dite à la Française et créé un écrin, une boîte à chasse, détaille Allison Blanc-Aubert. En ouvrant le coffret, on découvre le manuscrit. Les pages étant volantes, chacun des 177 feuillets a été monté sur une bande de papier et j’ai ensuite cousu toutes les bandes ensemble. En décor, sur la couverture j’ai réalisé un calage à papier, un clin d’œil à la grand-mère et à la mère de Charles Péguy qui étaient rempailleuses. Il est beaucoup question de l’artisanat dans le manuscrit, de répétition du geste. La tranche a été tissée à la main avec du fils de soie. Cela a demandé en tout un mois et demi de travail sans interruption. »
Un travail d’orfèvre, d’une minutie impressionnante et d’une précision extrême. La gageure étant à la fois d’avoir une homogénéité dans le corps d’ouvrage - et ce malgré des différences de dimensions entre les feuillets, l’usage tantôt de rectos tantôt de rectos versos - et une lisibilité de ce trésor littéraire, ces mémoires de jeunesse écrites par Charles Péguy.
La reliure est à admirer au Centre Charles-Péguy jusqu’au 28 septembre. Elle ira ensuite rejoindre la collection patrimoniale. « C’est le patrimoine des Orléanais désormais, affirme Oriana Gatica Demey, Responsable du fonds Charles Péguy. La reliure va faciliter la conservation et la présentation de l’œuvre dans les meilleures conditions. C’est d’autant plus émouvant que le manuscrit n’a jamais été publié du vivant de l’auteur ». Il est aujourd’hui protégé et préservé pour les décennies à venir.
E.Cuchet