Une pièce de théâtre comme une odyssée, capable de soulever les foules à la fin d’une représentation, vent debout pour applaudir une troupe d’artistes qui aura tout donné sans compter pendant près de deux heures. Véritable uppercut, Passeport, la dernière pièce d’Alexis Michalik, nous touche en plein cœur. Dès les premières secondes, on est comme happés, subjugués par un spectacle dont on comprend vite qu’il restera inoubliable, tant par son fond et sa forme. Le faiseur de théâtre et raconteur d’histoires, déjà venu à Orléans présenter Edmond et Le Cercle des Illusionnistes, explore ici un sujet actuel, la situation des réfugiés en France, mais avec sa touche à lui, sa formule magique entremêlant histoire humaine, sujet d’actualité et conte de fée moderne, à des années-lumière de tout discours politique ou moralisateur. L’histoire se penche sur le destin d’Issa, jeune Érythréen, laissé pour mort dans la "jungle" de Calais, qui a perdu la mémoire et dont le seul élément tangible de son passé est son passeport… Autour de cette quête d’identité, fil électrique et magnétique qui relie chaque personnage entre eux, de grands thèmes viennent traverser la pièce dans un souffle épique : l’espoir, le désespoir, la camaraderie, l’amour, la violence…
Un moment suspendu mêlant aussi bien le drame des migrants de Calais que les vers de Shakespeare. Une fable humaniste au rythme implacable, vertigineux, qui jamais ne s’essouffle, avec des récits à tiroirs qui s’entremêlent comme un puzzle, des scènes cinématographiques, des interprètes « les uns au service des autres » qui incarnent plusieurs rôles dans des décors modulables et scotchant… Tout est étonnant dans cette pièce, bijou d’écriture et d’inventivité - avec d’incroyables twists - portée par une troupe, au diapason, d’une justesse foudroyante. Emportés par la pièce, on est saisis sur nos sièges, figés par l’émotion. Alexis Michalik a ce talent pour créer des familles de théâtre à laquelle on a envie d’appartenir et d’adhérer.
Hier soir au théâtre d’Orléans, le public a été touché en plein cœur, un moment sublimé par une rencontre impromptue avec Alexis Michalik, l’enchanteur, et les comédiens de la troupe à la fin du spectacle. Un beau coup de théâtre !
E.Cuchet