Quelle est la genèse du film ? On voit dans le générique qu’il est dédié à votre grand-mère.
Enya Baroux (réalisatrice et co-autrice du film) : C’est une histoire très intime. Je l’ai écrit pour rendre hommage à ma grand-mère qui a eu une fin de vie assez triste et difficile, après une longue maladie. Je souhaitais lui écrire un film qui corrigeait un peu le tir et lui donnait une fin de vie plus joyeuse, plus à son image, plus libre de choix aussi. Un film pour réparer la vie, et les vivants aussi.
On ne ressent pas du tout que c’est un premier film tant il paraît maîtrisé. Vous avez un parcours dans le cinéma où vous avez touché à tout.
Enya Baroux : J’ai voulu découvrir plusieurs facettes de ce métier très tôt, être multi-casquette et avoir plusieurs cordes à mon arc. J’ai été assistante à la mise en scène, notamment sur les films Quai d’Orsay et Les Tuche 2. J’ai joué la comédie, j’ai fait de la régie. J’ai été coach pour enfants sur des tournages. J’ai fait des courts-métrages… Tous ces postes m’ont appris des choses qui aujourd’hui sont hyper nécessaires pour ma future carrière de réalisatrice.
La réalisation est une évidence pour moi, c’est là où je me sens le plus à ma place. Lorsque j’écris et que je réalise, je me sens légitime. J’ai aussi envie de jouer, mais je crois que plus j’écris, plus j’ai envie de jouer des projets qui sont exigeants dans l’écriture, et dans mon univers.
Vous avez travaillé sur ce film pendant combien de temps ?
Enya Baroux : 7 ans ! J’ai commencé à écrire un an après le départ de ma grand-mère. J’ai d’abord travaillé seule, puis j’ai été rejointe par deux co-scénaristes. Nous avons trouvé une boîte de production, puis il y a eu 2 ans de Covid. Un temps durant lequel le cinéma français a été à l’arrêt. Ensuite, nous avons dû trouver des financements, ce qui a pris du temps car c’est un sujet sensible. Tout ce qui touche à la fin de vie, à la maladie, fait peur aux gens. Et une fois que nous avons trouvé nos distributeurs, nous avons faire le film, avec un budget qui n’était vraiment pas énorme. Il a été tourné en 25 jours.
Malgré le sujet, le film n’est pas du tout larmoyant, il est très lumineux avec des touches d’humour et de légèreté. C’était crucial pour vous.
Enya Baroux : C’était ma gageure. Je ne sais pas parler de sujet sensible ou tabou sans humour. C’est le vecteur qui me parle le plus, celui avec lequel j’ai grandi. C’est une manière de mettre à distance certaines choses, de les exorciser. Je fais pareil avec le programme court Fleur bleue que je produis et qui traite de sujets de société en prenant de la distance.
J’ai appris à vivre avec le décès de ma grand-mère. Je souhaitais relater ces moments de la vie de tous les jours, où parfois un fou rire s’invite à un enterrement ou à l’hôpital, où le quotidien reprend le dessus sur le drame… Il y a un lâcher-prise. C’est plus universel pour moi que le drame en soi, avec des violons qui nous suivent. Le challenge de ce film, c’était vraiment de réconcilier les gens avec un sujet tabou et de pouvoir en rire.
Le casting fait beaucoup. Comment avez-vous choisi vos acteurs ?
Enya Baroux : Hélène Vincent est arrivée sur le projet 4 ans avant le tournage. Elle a une forte ressemblance avec ma grand-mère, j’étais admirative de cette actrice depuis très longtemps. Je lui ai envoyé le scénario, on s’est rencontré et elle a dit oui tout de suite. Cela a été une évidence. Elle a attendu pendant 4 ans que le film se finance, elle ne m’a pas lâchée. Parfois, quand je n’y croyais plus, elle me reboostait en me disant qu’on allait y arriver. Ensuite, je connaissais Pierre Lottin depuis très longtemps, depuis le tournage des Tuches. J’ai toujours eu envie de travailler avec lui. Il m’a toujours suivie et soutenue. David Ayala et Juliette Gasquet sont arrivés plus tard, de vrais coups de cœur. Juliette a été drôle, touchante, avec une rigueur de jeu remarquable lors du casting. Elle me ressemble aussi, les personnages sont inspirés de ma famille. Juliette a un physique enfantin et pourtant son personnage est le plus mature de l’histoire.