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      Sorties - Loisirs

      le 15/02/2025

      Enya Baroux présente son film « On ira »

      Un moment suspendu au Pathé Orléans. Le 21 janvier dernier, La jeune réalisatrice a partagé avec le public son premier long-métrage dans lequel elle aborde avec subtilité, et beaucoup de lumière et d’humour, le sujet du suicide assisté. Road trip familial déjanté et délicate leçon de vie, « On ira » ne devrait laisser personne indifférent…

      Juliette Gasquet, David Ayala, Pierre Lottin, Hélène Vincent - Crédit : Bonne Pioche Cinéma

      Quelle est la genèse du film ? On voit dans le générique qu’il est dédié à votre grand-mère. 

      Enya Baroux (réalisatrice et co-autrice du film) : C’est une histoire très intime. Je l’ai écrit pour rendre hommage à ma grand-mère qui a eu une fin de vie assez triste et difficile, après une longue maladie. Je souhaitais lui écrire un film qui corrigeait un peu le tir et lui donnait une fin de vie plus joyeuse, plus à son image, plus libre de choix aussi. Un film pour réparer la vie, et les vivants aussi.

      On ne ressent pas du tout que c’est un premier film tant il paraît maîtrisé. Vous avez un parcours dans le cinéma où vous avez touché à tout.

      Enya Baroux : J’ai voulu découvrir plusieurs facettes de ce métier très tôt, être multi-casquette et avoir plusieurs cordes à mon arc. J’ai été assistante à la mise en scène, notamment sur les films Quai d’Orsay et Les Tuche 2. J’ai joué la comédie, j’ai fait de la régie. J’ai été coach pour enfants sur des tournages. J’ai fait des courts-métrages… Tous ces postes m’ont appris des choses qui aujourd’hui sont hyper nécessaires pour ma future carrière de réalisatrice. 

      La réalisation est une évidence pour moi, c’est là où je me sens le plus à ma place. Lorsque j’écris et que je réalise, je me sens légitime. J’ai aussi envie de jouer, mais je crois que plus j’écris, plus j’ai envie de jouer des projets qui sont exigeants dans l’écriture, et dans mon univers. 

      Vous avez travaillé sur ce film pendant combien de temps ?

      Enya Baroux : 7 ans ! J’ai commencé à écrire un an après le départ de ma grand-mère. J’ai d’abord travaillé seule, puis j’ai été rejointe par deux co-scénaristes. Nous avons trouvé une boîte de production, puis il y a eu 2 ans de Covid. Un temps durant lequel le cinéma français a été à l’arrêt. Ensuite, nous avons dû trouver des financements, ce qui a pris du temps car c’est un sujet sensible. Tout ce qui touche à la fin de vie, à la maladie, fait peur aux gens. Et une fois que nous avons trouvé nos distributeurs, nous avons faire le film, avec un budget qui n’était vraiment pas énorme. Il a été tourné en 25 jours. 

      Malgré le sujet, le film n’est pas du tout larmoyant, il est très lumineux avec des touches d’humour et de légèreté. C’était crucial pour vous.

      Enya Baroux : C’était ma gageure. Je ne sais pas parler de sujet sensible ou tabou sans humour. C’est le vecteur qui me parle le plus, celui avec lequel j’ai grandi. C’est une manière de mettre à distance certaines choses, de les exorciser. Je fais pareil avec le programme court Fleur bleue que je produis et qui traite de sujets de société en prenant de la distance. 

      J’ai appris à vivre avec le décès de ma grand-mère. Je souhaitais relater ces moments de la vie de tous les jours, où parfois un fou rire s’invite à un enterrement ou à l’hôpital, où le quotidien reprend le dessus sur le drame… Il y a un lâcher-prise. C’est plus universel pour moi que le drame en soi, avec des violons qui nous suivent. Le challenge de ce film, c’était vraiment de réconcilier les gens avec un sujet tabou et de pouvoir en rire.

      Le casting fait beaucoup. Comment avez-vous choisi vos acteurs ?

      Enya Baroux : Hélène Vincent est arrivée sur le projet 4 ans avant le tournage. Elle a une forte ressemblance avec ma grand-mère, j’étais admirative de cette actrice depuis très longtemps. Je lui ai envoyé le scénario, on s’est rencontré et elle a dit oui tout de suite. Cela a été une évidence. Elle a attendu pendant 4 ans que le film se finance, elle ne m’a pas lâchée. Parfois, quand je n’y croyais plus, elle me reboostait en me disant qu’on allait y arriver. Ensuite, je connaissais Pierre Lottin depuis très longtemps, depuis le tournage des Tuches. J’ai toujours eu envie de travailler avec lui. Il m’a toujours suivie et soutenue. David Ayala et Juliette Gasquet sont arrivés plus tard, de vrais coups de cœur. Juliette a été drôle, touchante, avec une rigueur de jeu remarquable lors du casting. Elle me ressemble aussi, les personnages sont inspirés de ma famille. Juliette a un physique enfantin et pourtant son personnage est le plus mature de l’histoire.

      Comment s’est passé le tournage ?

      Enya Baroux : J’ai plongé dans le grand bain en me disant qu’il ne fallait pas que j’hésite ou que je sois tâtonnante. J’avais tellement pensé mon film depuis des années que c’est venu naturellement. J’ai su comment les diriger, où les emmener. Ils m’ont fait confiance à 100% et m’ont suivie. 

      Tout était écrit à la ligne près. Seules les scènes du bowling et du Monopoly étaient un peu plus improvisées. L’objectif était d’avoir une mise en scène assez embarquée pour avoir la sensation d’être avec les personnages. Dans de nombreuses scènes d’émotion, j’ai filmé la caméra à l’épaule au plus près des acteurs et cela donne une proximité, un côté mouvant, embarqué. Et une alchimie s’est créée entre nous tous, une espèce d’émotion inexplicable qui transparaît à l’écran. Cela a été une famille de potes tout de suite, une chance extraordinaire. 

      Hélène interprète ce rôle de petite mamie fragile magistralement.

      Enya Baroux : Beaucoup de gens ont pensé qu’elle était vraiment comme ça mais pas du tout. C’est un rôle de composition, elle n’a rien à voir avec le personnage dans la vie. Elle fait dix ans de moins, elle est en pleine forme, elle court, elle fait le grand écart, elle a une chevelure incroyable (rires). Dans le film, elle a trouvé un rythme, une voix, elle a créé le personnage de A à Z. C’était impressionnant à voir. 

      Le film a été très remarqué au festival du film de comédie de l’Alpe d’Huez.

      Enya Baroux : Cela a été un moment incroyable. J’étais stressée, car c’était la première projection en public, et les gens ont ri, ont pleuré, pendant tout le film. Ils se sont levés 10 minutes à la fin pour nous applaudir, certains étaient vraiment en larmes. Cela m’a beaucoup touchée. Nous étions tous trop heureux. C’était l’accomplissement. Et les filles ont reçu le prix d’interprétation féminine ex-aequo. Cela lance magnifiquement la tournée d’avant-premières et… la première date se déroule justement à Orléans ! J’ai hâte d’avoir des retours de gens que je ne connais absolument pas. On fait des films pour les autres ! 

      Quelle est la suite pour vous ?

      J’ai envie d’écrire un deuxième film, mais je ne veux pas me précipiter. Je veux retrouver la même envie, la même nécessité de le faire. De trouver un projet qui me transcende tout autant, que j’ai la patience et la passion de fabriquer de A à Z. Il y a aussi ma série Fleur bleue. J’aimerais écrire une saison 3, pourquoi pas passer en format plus long. C’est un personnage que j’aime beaucoup qui permet de parler de nombreux sujets comme la pression sociale sur les femmes célibataires sans enfant âgées d’une trentaine d’années. Plus généralement, j’aime quand c’est irrévérencieux, à l’image des séries Fleabag de Phoebe Waller-Bridge et After Life de Ricky Gervais. J’aime traiter des sujets de société qui me font peur avec un côté cynique. Une marque de fabrique ! 

      Propos recueillis par Emilie Cuchet

      On ira

      Sortie nationale le 12 mars 2025

      Film de Enya Baroux 

      Avec Hélène Vincent, Pierre Lottin, David Ayala, Juliette Gasquet 

      Synopsis : Marie, 80 ans, en a ras le bol de sa maladie. Elle a un plan : partir en Suisse pour mettre fin à ses jours. Mais au moment de l’annoncer à Bruno, son fils irresponsable, et Anna sa petite-fille en crise d’ado, elle panique et invente un énorme mensonge. Prétextant un mystérieux héritage à aller chercher dans une banque suisse, elle leur propose de faire un voyage tous ensemble. Complice involontaire de cette mascarade, Rudy, un aide-soignant tout juste rencontré la veille, va prendre le volant du vieux camping-car familial, et conduire cette famille dans un voyage inattendu.