Pénétrer dans la collégiale aujourd’hui, c’est comme découvrir un lieu nouveau, à la fois transcendé et réinventé par l’exposition « Premier Désert » de Bruno Desplanques, artiste résident à Roubaix qui a découvert les lieux il y a quelques mois à peine…Dans cette nouvelle proposition de la Mairie d’Orléans qui casse les lignes habituelles, le parti pris esthétique et artistique - construit en étroit lien avec l’artiste -, est un véritable choc visuel et sensitif.
« Ce qui a intéressé le service culture, c’est, je crois, la manière dont j’installe les peintures en regard des lieux et en prenant compte du travail in situ de l’espace dans lequel il se place, raconte l’artiste. J’ai souvent exposé en extérieur, dans des jardins, des parcs, sur des façades en lien avec la nature. Ici nous sommes dans un espace essentiellement minéral, et c’était un enjeu de faire résonner le lieu et cette peinture remplie de paysages. Le rapport à l’architecture, à la construction est aussi essentiel dans mon travail. Dans cette idée d’artisan-constructeur, j’utilise de la peinture industrielle, la truelle de maçon pour peindre, le bois comme support… L’enjeu a donc été de trouver comment investir ce lieu, comment faire résonner mon travail à cette échelle. J’ai pu entreprendre d’augmenter une pièce qui existait déjà, ces panoramas agençables en spirale. Pour jouer encore plus avec ces travées et ce côté sinueux, rentrer dans un univers un peu plus immersif, j’ai doublé la surface de peinture et le panorama. » Trois mois de création intensive pour un résultat à couper le souffle, une immersion dans un paysage sans fin et sans limite, telle une forêt dans laquelle on pénètre physiquement et mentalement.
Un monde étrange et étranger
Le titre de l’exposition « Premier désert » renvoie à une discussion avec un frère dominicain, également historien de l’art, qui a dit un jour à Bruno Desplanques : « La forêt, c’est le premier désert ». Les ermites allaient dans la forêt pour se retrouver, se ressourcer. La forêt est un lieu emblématique de la quête des origines, du commencement du monde, un lieu-refuge… comme cette exposition, finalement, qui offre au visiteur une expérience quasiment métaphysique, et mystique.
Dans cet espace pénétrable et sensitif, le spectateur, à la fois actif et contemplatif, se promène à l’intérieur de la peinture ; il perd ses repères, est comme submergé par le paysage qui se déploie autour de lui, sans frein et sans limite. La peinture - « Je ne peins pas ce que je vois, je peins ce que je pense » disait Picasso - paraît autonome, comme en liberté… « Je ne sais pas à l’avance ce que je vais peindre, révèle Bruno Desplanques, le chasseur de nuages. Je me laisse guider par le geste, par l’encre, comme dans la peinture orientale. »
Des chemins, des profondeurs se dessinent dans ce labyrinthe à la « Alice aux pays des merveilles », où les courbes et les culs de sac viennent nous surprendre dans un jeu entre ombre et lumière, apparition et disparition, circulation et révélation… Au bout du chemin, l’on trouve une sculpture fantasmagorique, sorte de pierre philosophale, reflétant et contenant le monde dans un même mouvement, qui viendrait couronner une quête. Lancelot des temps modernes, le spectateur n’en finit plus de marcher, de chercher, de rêver… Dans une traversée qui ne l’aura pas laissé indemne.
E.Cuchet