Une histoire d’amour peut en cacher une autre
J’ai envie de surprendre les spectateurs. Si j’avais appelé le film « Des histoires d’amour », les gens sauraient. Cela commence par l’histoire d’amour de Katia et Justine qui est notre fil rouge et ensuite cela bifurque et on comprend qu’il y a d’autres liens forts. C’est une histoire d’amour avec un grand A.
Cette histoire, comment l’avez-vous imaginée ?
Alexis Michalik (réalisateur et acteur) : Le film est issu d’une pièce de théâtre. J’écoutais une chanson un jour, et j’ai eu un flash, j’ai vu la dernière scène de la pièce. Par contre, je n’avais pas le reste de l’histoire (rire). Du coup, j’ai construit à rebours ma structure pendant un an. Et à la fin, j’ai réalisé qu’étant donné le thème, il faudrait que je sois dans un état émotionnel particulier pour trouver le ton juste en racontant cette histoire. Quelques mois après, j’ai vécu une rupture amoureuse douloureuse, et là je me suis retrouvé au bon endroit émotionnel. C’est sorti très vite. La pièce a été créée à Paris début 2020. Plusieurs personnes m’ont tout de suite dit : il faudrait que tu en fasses un film. Je n’y avais pas du tout pensé. Trois mois après la première, on était tous en confinement ! J’avais beaucoup de temps libre, j’ai commencé à écrire le scénario. Au final, l’envie cela a été d’amener les filles de la pièce avec moi sur le tournage. Cela a été le déclic.
C’est la particularité de votre film, vous avez engagé sur le film les comédiennes de la pièce de théâtre.
Alexis Michalik : Oui tous même la petite Léontine qui jouait en alternance au théâtre avec d’autres fillettes. C’était le vrai challenge. Arriver à financer ce film-là avec cette équipe et ces comédiennes formidables, Juliette et Marica en tête. On a créé notre boîte de production et on est allés chercher des partenaires. Et c’est passé ! Pendant tout le temps où l’on cherchait des financements, on ne l’a pas dit aux filles. On ne voulait pas les décevoir si jamais on n’y arrivait pas. Puis juste avant Noël, on a s’est réunis et la grande annonce a été faite. Elles ont joué cent fois la pièce, elles avaient leurs rôles dans les tripes, tout comme moi qui joue William. On aime nos personnages, on ne pouvait pas les lâcher !
C’est l’une des histoires les plus intimes dans tout ce que vous avez écrit jusqu’ici.
Alexis Michalik : C’est une histoire inventée mais on a la chance quand on écrit de pouvoir se servir de ce qu’on traverse. Quand on vit des moments joyeux, on a envie de parler de ça. Et lorsqu’on passe par des phases plus difficiles, on a la chance de pouvoir les transcender par l’écriture, de les mettre au service d’une histoire. C’était quelque chose que j’avais envie d’explorer à ce moment-là. C’était presque thérapeutique et quand on le jouait tous les soirs sur scène c’était cathartique. Chacun sur le plateau avait aussi ses raisons d’avoir une connexion avec ce rôle-là, avec le deuil, avec la rupture, avec la résilience… C’était joli de toucher ça du doigt, on se retrouvait tous les soirs à pleurer et à faire pleurer le public.
De l’intime, vous faites quelque chose d’universel qui peut toucher tout le monde quel que soit son parcours.
Alexis Michalik : Le personnage de Katia il serait difficile de ne pas être en empathie avec elle. On a tous été quittés mais elle, elle vit le pire cauchemar, elle est abandonnée enfant. Le point d’entrée du film pour le spectateur peut être différent. Parfois c’est Justine, car on a aussi tous quitté quelqu’un. J’essaie de parler à chaque fois de moments où cela bascule. C’est ce qui m’intéresse dans une histoire. Il y a plein de points d’ancrage pour ressentir cette émotion-là. Mais la finalité de ce récit c’est qu’il y a une pulsion de vie. Tour va si vite, il faut vivre, essayer de profiter de ce que l’on a. On a toujours l’espoir qu’il va se passer quelque chose et que cela va être beau. Il faut juste se laisser la capacité d’y croire, d’aimer. De voir la lumière même dans l’ombre.
Des thèmes forts traversent votre film, la vie, la mort, la famille.
Alexis Michalik : J’ai une obsession du temps qui passe. Cette espèce d’hyper conscience de la mort me pousse à faire plein de choses. C’est cette urgence qui se ressent dans le film. Et ce rapport à la famille, à la filiation. William mon personnage est une version dark de moi-même, quelqu’un qui aurait vécu un deuil, tomberait dans l’alcool et s’abimerait un peu… Ce sont des questions qui habitent tout le monde : l’amour, partir, rester, comment continuer à avancer, comment supporter la perte ? On a tous expérimenté ces émotions. Il est question de malédiction familiale aussi mais que mes personnages prennent avec un humour de résistance. C’était très important pour moi. C’est ce qui m’a donné envie de jouer William. Je me suis dit que j’avais le bon humour pour le jouer. Il a ce sarcasme qui l’empêche de sombrer. Il faut cette distance, il faut cette résistance, il faut cet humour. Cela permet aux personnages de ne jamais se plaindre.